lundi 7 septembre 2009

L'heure trouble: l'envol de Theorin



Je suis récemment allé à la découverte d'un nouvel auteur, Johan Theorin, et de son tout premier roman, L'heure trouble (Albin Michel, traduction Rémi Cassaigne).

Johan Theorin a vu son travail couronné deux années consécutive par la Deckarakademin en Suède. Tout d'abord comme "meilleur premier roman policier de l'année" en 2007 pour Skumtimmen (L'heure trouble), puis comme "meilleur roman policier de l'année" en 2008 pour Nattfåk; ce dernier titre pourrait se traduire par "Blizzard nocturne", le climat est une obsession nordique!

Un très beau doublé.

[Petite remarque: contrairement à ce qu'affirme le bandeau rouge d'Albin Michel et nombre de critiques, c'est bien le prix du meilleur premier roman policier 2007 qui a été attribué à L'heure trouble, voir le site de la SDA. Le meilleur polar 2007 est allé à Håkan Nesser pour En helt annan historia. Ne privons pas Nesser de son mérite!]

L'histoire de L'heure trouble commence lorsqu'un jeune enfant échappe quelques instants à la surveillance de ses grands-parents, un jour d'été sur l'île d'Öland (1), et s'évanouit dans la nature. Accident? Enlèvement? Meurtre? Vingt ans vont passer dans l'incertitude, avant le dénouement sur la lande brumeuse d'Öland.

Le passé, celui de l'île aussi bien que celui des personnages, détient la clef de l'énigme. L'île elle-même est la magnifique et terrible toile de fond du récit, et son évolution au cours de l'histoire récente tient une place importante: Theorin nous montre une société basée sur la pêche et le transport maritime qui, dans le courant du XXe siècle, se transforme radicalement pour vivre désormais essentiellement du tourisme.

Dans L'heure trouble aussi bien que dans Nattfåk, l'auteur utilise des recettes efficaces pour captiver le lecteur, l'intriguer, l'inciter à poser ses propres hypothèses. Mais Theorin triche: il trompe ses lecteurs, nous montre certains événements sous un angle étroit, comme si nous les observions à travers un trou de serrure; nous ne voyons que ce que l'auteur veut bien nous montrer.

Le passé va ainsi se dévoiler par petites touches. La technique est la même dans les deux romans: les flash-back ont une amplitude décroissante. Ainsi, dans L'heure trouble, la première fenêtre sur le passé s'ouvre en 1936, la deuxième en 1940, et ainsi de suite. La trame principale du récit (le présent des personnages centraux) va avancer et sera finalement rejointe par la trame secondaire (l'histoire d'un important mais très énigmatique personnage) dans un final aux multiples rebondissements.

Autre aspect marquant du roman de Johan Theorin: les héros eux-mêmes. Certes, un policier intervient dans le récit (2), mais les personnages principaux sont un vieux marin en retraite, Gerlof Davidsson, grand-père du gamin disparu, et sa fille Julia, qui depuis la disparition de son enfant se débat avec la dépression et l'emprise de l'alcool. Les commissaires Martin Beck et Kurt Wallander sont bien loin, Gerlof et sa fille affronteront seuls leur destin.

* * *

Le succès des deux romans de Johan Theorin ne déplaît pas aux habitants d'Öland, qui aimeraient profiter d'un effet semblable à ce que l'on observe à Stockholm depuis le succès mondial de la série Millenium de Stieg Larsson (3). La transposition à l'écran de l'Heure trouble et de Nattfåk suscite beaucoup d'enthousiasme, d'autant plus que le tournage (prévu pour l'automne/hiver) se fera sur l'île.
[Mise à jour mars 2011 - le film sera réalisé par Daniel Lind Lagerlöf et devrait sortir en Suède dans le courant de l'année selon l'Institut suédois du film]

À écouter: le Cercle polar #18 (sur le site de Télérama) consacré à Johan Theorin et Don Winslow. Attention! Un élément important de l'histoire y est dévoilé!


---NOTES---
(1) Johan Theorin a pu puiser dans ses propres souvenirs : depuis son très jeune âge il passe ses étés sur l'île d'Öland, sa famille maternelle est originaire de l'île.

(2) Le seul et unique policier du village (imaginaire) de Marnäs et ses environs!

(3) Lire par exemple ce reportage sur le site du Point en ligne : Le Stockholm de Stieg Larsson. "Comme les fans de la série « Sex & The City » vont à New York se recueillir devant la vitrine Manolo Blahnik, les mordus de « Millénium » de Stieg Larsson ont désormais leur pèlerinage à Stockholm".

Aucun commentaire: