dimanche 27 décembre 2009

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes


Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson, Actes Sud 2006, traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain.

Il m'en a fallu du temps pour me lancer à la découverte du continent Millénium... Au début je me disais "bah, je vais attendre de voir si ça plaît aux copains". Ensuite je suis passé à "bon, je vais attendre que la trilogie soit complète", puis à "mais il me faudrait trois semaines de vacances pour lire tout ça!"

Trois semaines de congés consécutives -payées- étant illusoires au Canada (ironie), étant donné par ailleurs que les films commencent à sortir et que je préfère lire un bouquin avant de voir son adaptation au cinéma, j'ai décidé de lâcher mes excuses bidons et de sauter le pas.

Je ne le regrette pas. Oh que non.

Puisque je dois être un des derniers à découvrir Millénium, je ne résumerai pas l'histoire. Si toutefois quelqu'un avait encore besoin d'une courte présentation de l'intrigue du tome 1 (sans spoilers) il pourrait par exemple consulter la 4e de couv' sur SkandiLit.

L'intrigue n'a rien de très original en soi, mais elle est très prenante. Comme j'avais pris soin de ne rien savoir de l'histoire -vu le succès mondial de Millénium j'ai du mérite- j'ai pu savourer chaque détour du roman, chaque révélation, chaque page.

Des critiques je n'avais retenu que deux choses: quelques vagues remarques désobligeantes sur la traduction. D'autres avis critiquaient l'absence d'action dans la première moitié du bouquin.

* * *

Concernant la traduction je ne peux pas en dire grand-chose. Non seulement je n'ai pas lu l'original en suédois mais mon niveau ne me permettrait pas, de toute manière, de juger sérieusement la qualité du travail des traducteurs. À noter que le titre en suédois est un peu plus fort que la traduction française: Män som hatar kvinnor signifie littéralement Les hommes qui haïssent les femmes.

À part la présence d'un laid et irritant "solutionner" au lieu de "résoudre", le texte m'a semblé correct. Un petit regret peut-être: quelques notes de bas de page (ou un tout petit glossaire) auraient pu aider les lecteurs francophones. Le bouquin contient en effet des références à l'histoire ou à la politique suédoise. Des partis politiques sont parfois mentionnés au détour du récit, comme "les modérés" (il doit s'agir de Moderaterna, un parti de droite), ainsi que "le parti de la gauche" qui doit très probablement être Vänsterpartiet. Ces traductions littérales ne nous disent pas grand-chose. À titre de curiosité, le "parti de la gauche" n'est rien de plus que l'ex-parti communiste, qui s'appelait Vänsterpartiet - kommunisterna (vpk) jusqu'au début des années 90; la chute de l'URSS et un choix marketing ont eu raison du mot "kommunisterna". Son intitulé ronflant (le parti de gauche) reflète mal son caractère marginal (5.85% aux élections parlementaires de 2006, source Wikipedia).

Mais en toute franchise c'est du détail, de telles informations ne sont absolument pas nécessaires pour lire et apprécier le livre. Les hommes qui n'aimaient pas les femmes n'est pas un "polar politique".

Les références historiques seraient, elles, plus utiles. Stieg Larsson était un des fondateurs d'Expo, un magazine suédois spécialisé dans les mouvements d'extrême droite, fascistes, néonazis (le site du magazine consacre à l'auteur de Millénium une page hommage et souvenir). Ce n'est donc pas une grande surprise de voir la Ligue national-socialiste pour la liberté (p.96) ou le nazi Furugård (cf. Wikipedia) mentionnés dans le roman.

* * *

Concernant la "longueur" ou l'absence d'action dans la première moitié du livre, je ne suis tout simplement pas d'accord. Les 276 premières pages (les chapitres Incitation et Analyse des conséquences) sont riches en informations. Certes, Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander (qui ne se connaissent pas encore) ne bondissent pas partout, pistolet au poing, mais ils sont tous les deux très occupés avec leurs problèmes et les énigmes qui commencent à se présenter.

Comme dirait Hercule Poirot, leurs petites cellules grises sont amplement sollicitées. Le lecteur a intérêt à être attentif car il va apprendre bien des choses non seulement sur la trame du récit (la famille Vanger, ses membres, ses querelles internes, la disparition de Harriet Vanger en 1966, le village de Hedeby, les rappels historiques, etc.) mais aussi sur le caractère des héros et leur manière de voir le monde.

* * *
j'aime, j'aime moins

J'ai beaucoup aimé le déroulement de l'intrigue, y compris le rythme. L'apparente lenteur du début -à ne pas confondre avec une absence d'action- est non seulement nécessaire pour bâtir le cadre (aussi bien dans l'espace que dans le temps), elle est aussi extrêmement utile pour faire mieux comprendre au lecteur la situation d'Henrik Vanger. Le vieux patriarche est sans nouvelles de sa petite-nièce, Harriet, depuis plus de trente-cinq ans. Henrik reçoit chaque année d'un expéditeur anonyme une fleur séchée sous verre qui lui rappelle ce funeste 22 septembre 1966, mais l'enquête est depuis longtemps au point mort et le corps n'a jamais pu être retrouvé. Lorsque Blomkvist, à son tour, se heurte à l'énigme de cette disparition et semble ne faire aucun progrès nous partageons sa frustration. C'est un procédé plutôt habile.

J'ai aimé également le cocktail de secrets de famille, de faits historiques, le côté "mystère de la chambre close" à la taille d'une île (la petite île de Hedeby où résident plusieurs Vanger - l'île s'appelle Hedebyön, ce qui veut tout bonnement dire "l'île de Hedeby").

Du côté des personnages mon enthousiasme est plus mitigé.

Lisbeth Salander est incontestablement la carte maîtresse du roman. Elle est une énigme à elle toute seule. Elle est superbement travaillée et Stieg Larsson lui a sans doute consacré beaucoup de temps.

Le journaliste Mikael Blomkvist (surnommé Super Blomkvist par des collègues un peu jaloux) est, d'après moi, moins intéressant. L'auteur a eu l'idée malheureuse d'en faire une sorte de piège à filles (salut, Dutronc). Et toutes sortes de filles, s'il vous plaît: depuis la working woman Erika, jusqu'à une grande bourgeoise oisive de 56 ans, en passant par une jeune femme à problèmes tatouée et percée des pieds à la tête, elles tombent toutes sous le charme d'un Mikael plutôt blasé. J'ai frémi d'inquiétude lorsque Mikael croise le chemin d'Isabella Vanger. Bon sang, elle a plus de 70 ans tout de même! Mais Isabella est une des rares à ne pas craquer pour le bellâtre châtain. Ouf. J'ai par contre failli éclater de rire lorsqu'un homme, dans une scène pourtant pleine de tension, s'attaque au slip du très peu consentant Super Blomkvist! C'est un peu beaucoup pour un seul personnage... on n'est plus très loin de OSS 117 dans le Grand Nord.

Ces très courts passages qui semblent écrits par un adolescent n'occupent heureusement que quelques paragraphes sur un total de 575 pages.

Ce n'est là qu'un défaut, somme toute mineur, dans un pavé plein de bonnes surprises et de suspense. En prime la couverture est superbe, ce qui ne gâte rien. Un très bon polar.

* * *
D'autres avis (que je peux désormais lire!)

Kathel a bien aimé, sans plus. Soie en a fait un coup de cœur. Nancy est enthousiaste ("je dis chanceux! à ceux qui ne les ont pas encore lus! Des heures de plaisir à venir" - héhé! je fais partie des chanceux, il me reste encore les volumes 2 et 3).

mercredi 23 décembre 2009

Wednesday the Destroyer & Millénium


Je n'avais jamais encore regardé attentivement la couverture du premier volume de Millénium (Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson, éd. Actes Sud).

Il s'agit d'un portrait de la jeune actrice Christina Ricci dans le rôle de Mercredi Addams, alias Wednesday Addams en VO (à droite, photo dailymail.co.uk).

Le portrait -intitulé Wednesday the Destroyer- est une réalisation d'Isabel Samaras, comme le mentionne la page de copyright (à gauche, photo astrocat.com). Il représente la fille aînée de Morticia et Gomez Addams, ornée d'un collier fait avec des têtes de poupées Barbie (ou autre marque du même genre).
La référence est peut-être plus facile pour des Canadiens que pour nous autres Français qui connaissons moins la ténébreuse famille.

Le portrait de "Mercredi la destructrice" est un clin d'œil à une divinité exotique, probablement Kali qui est parfois représentée avec des colliers un peu bizarres (image Wikipedia).

Mercredi Addams était mon personnage préféré dans les deux films réalisés au tout début des années 90 (La famille Addams et Les valeurs de la famille Addams). Je suis content, bien qu'un peu surpris, de la retrouver sur le premier tome de Millénium.

Wednesday Addams, devenue adulte, serait-elle partie vivre à Stockholm sous le nom de Lisbeth Salander? ;-)

mardi 22 décembre 2009

Le diable aime les cœurs... saignants


Bleeding Heart Square, d'Andrew Taylor, publié cette année en format de poche chez Penguin Books, 16$ (édité initialement chez Michael Joseph, UK, 2008).

La traduction suédoise du roman (Det blödande hjärtat) a obtenu le prix du meilleur polar étranger 2009 en Suède.

Une traduction française serait en gestation au Cherche-Midi. À surveiller. Mise à jour mars 2011: l'édition française vient de paraître: Le Diable danse à Bleeding Heart Square, Éd. Le Cherche Midi.

L'histoire se déroule à Londres, en 1934, à l'époque du roi George V (grand-père paternel de la reine Élisabeth II).

La Grande-Bretagne est sortie victorieuse de la Première Guerre mondiale mais a payé un prix élevé. La crise économique de 1929 a suivi. Au début des années trente la vieille société victorienne craque de toutes parts et la Deuxième Guerre qui approche achèvera de transformer radicalement la société britannique. La fin de l'Empire britannique approche elle aussi. L'Inde, joyau de la Couronne (à l'époque elle englobe le Pakistan et le Bangladesh) deviendra indépendante en 1948.

Andrew Taylor situe son roman à cette époque charnière, entre les deux guerres mondiales, un an après l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne.

* * *

Lydia Langstone n'est pas très heureuse en mariage. Son mari, Marcus, la considère comme sa propriété. Une brève altercation et deux violentes gifles décident Lydia à faire sa valise. Elle ne peut pas se tourner vers sa famille ou ses amis, car ils sont aussi la famille et les amis de Marcus et elle sait trop bien quelle serait leur réaction. Dans la bonne société londonienne en 1934, une femme doit savoir s'accommoder des "sautes d'humeur" de son époux. Le confort et la sécurité sont à ce prix. Il est surtout impératif de sauver les apparences en toutes circonstances afin de ne pas susciter les ragots. Le roman donnera quelques exemples de ce qu'une personne peut faire pour protéger sa réputation.

Tournant le dos à sa cage dorée Lydia part, bien décidée à ne plus revenir. Elle va sonner à la porte de son père, le capitaine Ingleby-Lewis, qu'elle n'a pour ainsi dire jamais connu. Son père a quitté le foyer bien des années auparavant. Sa mère s'est remariée et est devenue Lady Cassington.

C'est ainsi que Lydia Langstone arrive au 7, Bleeding Heart Square. L'endroit est un cul-de-sac plutôt miteux fermé au sud par une chapelle et un portillon donnant sur Rosington Place. Au nord se trouve un pub où le capitaine Ingleby-Lewis a ses habitudes, The Crozier, et l'accès à la rue.

La prise de contact avec la réalité est rude. Lydia n'avait auparavant jamais eu besoin de fournir le moindre travail, les serviteurs se chargeant de tout. Ses seules obligations étaient sociales. La voici désormais sans un sou (hormis quelques rares bijoux qu'elle a pensé à emporter). Son père, dont le principal loisir consiste à s'imbiber d'alcool, voit arriver cette fille oubliée sans grand enthousiasme.

Mais Lydia va faire face aux difficultés, apprendre les règles de son nouvel univers, et parviendra à gagner quelques rares alliés (très inattendus parfois) dans un monde où le chacun-pour-soi et le cynisme ne sont pas rares.

Elle rencontrera notamment le jeune Rory Wentwood, un ex-journaliste sans emploi de retour des Indes. Ce n'est pas par hasard que ce dernier s'installe au numéro 7. Il s'inquiète en effet pour la tante de sa fiancée. La tante, une certaine Miss Philippa Penhow, était l'ancienne propriétaire de l'immeuble mais elle n'a plus donné signe de vie depuis quatre ans. Rory pense pouvoir aider un policier, le Sergent Narton, qui ne croit pas à la version officielle selon laquelle Miss Penhow se serait enfuie aux États-Unis refaire sa vie.

Lydia et Rory s'intéresseront aux secrets qui entourent les lieux, et notamment ceux du bourru nouveau propriétaire Joseph Serridge, ancien "ami de cœur" de Philippa Penhow. Mais parfois, à trop se mêler des affaires d'autrui, on en subit les conséquences. Pas toujours agréables.

À ce récit principal -riche en rebondissements- s'ajoutent deux autres voix. Tout d'abord celle de Miss Penhow elle-même grâce à des extraits de son journal intime datant de l'année 1930; journal intime qui a disparu en même temps que sa propriétaire. Une autre voix commente ces extraits.

* * *

... don't go of a night into Bleeding Heart Square. It's a dark, little, dirty, black, ill-looking yard,
With queer people about... [en exergue du roman]

Bleeding Heart Square est un très bon roman dont on sort presque à regret. L'ambiance est très prenante, étouffante par moments. Les personnages sont touchants, vivants et crédibles. Le récit est dense, la logique interne impeccable.

Andrew Taylor a longtemps "mûri" cette histoire. Penguin a eu l'excellente idée d'inclure une annexe de quelques pages dans laquelle l'auteur raconte la genèse du roman. De nombreux éléments sont en effet tirés du monde réel, à commencer par Bleeding Heart Square et Rosington Place (où Lydia trouve son premier emploi) qui sont inspirés par Bleeding Heart Yard et Ely Place (voir la photo de droite, qui ressemble beaucoup à la description de Rosington Place; source "Margaret in London").

Certains personnages et événements sont issus des souvenirs d'enfance de l'auteur. Sa grand-mère lui avait raconté jadis une histoire qui, bien plus tard, a donné naissance à Miss Philippa Penhow.

Enfin, l'Histoire (avec un grand H) a sa place dans le roman. Lydia Langstone et Rory Wentwood ont l'occasion de rencontrer les peu sympathiques militants de la British Union of Fascists de Sir Oswald Mosley.

Mon conseil: guettez la traduction française, ou optez pour la version originale en anglais. 467 pages très british vous attendent. À savourer with a nice cuppa tea, bien sûr.


[Participe au challenge Lire en VO]


lundi 21 décembre 2009

Mise en images - Wallander & Millenium

La BBC a tourné de nouveaux épisodes tirés de la série Kurt Wallander de Henning Mankell - voir Nordic Bookblog qui reprend une info de l'ambassade de Suède à Londres.

Les Britanniques pourront voir le premier des trois téléfilms, Faceless Killers (Meurtriers sans visage) le 3 janvier.

J'en appelle à la Reine (qui est aussi reine du Canada) : faites envoyer les bobines à la CBC par la valise diplomatique, votre Majesté!

Nordic Bookblog se fait également l'écho d'une nouvelle qui circule un peu partout: Hollywood (plus exactement Sony Pictures) serait en train de négocier afin de tourner sa propre version de Millenium, la trilogie de Stieg Larsson. La nouvelle en français se trouve par exemple sur le site du Parisien.

En attendant on peut toujours se régaler de cette hilarante parodie du 7e Sceau d'Ingmar Bergman, par French & Saunders. Oh noooo!... I just can't find the teabags.

dimanche 13 décembre 2009

Le mur du silence : meurtres à la secte


Le mur du silence est la deuxième enquête (en français) du commissaire Van Veeteren. Elle est publiée au Seuil dans une traduction d'Agneta Ségol et Marianne Samoy.

On retrouve avec plaisir un Van Veeteren toujours aussi maussade et mal embouché. Les vacances estivales approchent. Pour occuper ses deux dernières semaines de travail avant son départ en Crète, il répond à l'appel à l'aide du jeune commissaire intérimaire Kluuge, à Sorbinowo.

Kluuge a reçu deux appels anonymes. Selon son informatrice, une fillette inscrite dans un camp de vacances organisé par un groupe religieux -La Vie Pure- aurait été assassinée.

Mais le gourou de La Vie Pure, Oscar Jellinek, nie toute disparition. Même son de cloches chez les trois "sœurs" qui supervisent le groupe de jeunes filles: personne ne manque. "VV" prend également la peine de discuter avec deux jeunes participantes du camp, Belle et Clarissa; elles ne sont pas très bavardes et plutôt méfiantes (face à Van Veeteren je peux les comprendre!) mais elles affirment elles aussi que toutes leurs camarades sont bien présentes.

L'appel anonyme ne semble donc pas très sérieux, et Van Veeteren espère savourer paisiblement les joies de Sorbinowo (cinéma, pique-nique sur le lac, bons restaurants).

Mais suite à un autre appel de la femme anonyme, le corps de Clarissa est retrouvé dans la forêt. Jellinek s'est évaporé dans la nature. Les trois assistantes du gourou se murent dans le silence.
Imaginez une petite fille de douze ans. Imaginez-la violée, souillée, assassinée. Prenez votre temps. Ensuite, imaginez Dieu. (M. Barin, poète, citation en exergue du roman)
Avec Le mur du silence, Håkan Nesser nous offre un autre roman réussi, à l'humour discret, suffisamment différent du précédent pour éviter l'ennui et les sensations de déjà vu. Van Veeteren est fidèle à lui-même mais laisse entrevoir d'autres facettes, en particulier une singulière timidité lorsqu'il est amoureux (les bras m'en sont tombés) ou encore son désir de laisser tomber son boulot de flic pour se recycler radicalement. L'offre d'emploi d'un bouquiniste de Maardam le tente beaucoup...

Pas d'inquiétude à se faire toutefois car cinq autres aventures attendent encore VV (voir la liste des titres de la série Van Veeteren).

Läckberg en images

Plusieurs aventures de Patrik Hedström et Erica Falck à Fjällbacka ont été filmées pour la télévision suédoise.

On peut voir le trailer du premier roman de la série, La princesse des glaces, ici. Ils ont pensé aux sous-titres en anglais, c'est sympa.

On y voit Erica (00:18), une vue du village de Fjällbacka (00:28), Patrik Hedström (00:46, je ne l'imaginais pas du tout ainsi), Mellberg (1:03), Patrick en train d'interroger Erica (01:16, une de leurs toutes premières rencontres depuis leur enfance) et d'autres personnages du roman.

Le tailleur de pierre sera diffusé à Noël. La bande-annonce est ici. Au moins une scène d'Olycksfågeln se glisse dans le trailer (00:02 l'accident de Marit Kaspersen). On aperçoit le jeune enquêteur Martin Molin (00:20, je l'imaginais beaucoup plus roux).

Les téléspectateurs suédois découvriront le quatrième épisode de la série, Olycksfågeln, pour le Nouvel An.

mercredi 9 décembre 2009

Il n'y a pas que les livres...

... il y a aussi la musique.

Lars Winnerbäck est un chanteur de grand talent. Je ne l'ai découvert que cette année. Mieux vaut tard que jamais!

Il est possible d'écouter plusieurs tounes sur YouTube, mais... ce n'est pas idéal pour de multiples raisons (la qualité très moyenne en étant une).

Winnerbäck est encore jeune mais sa discographie est bien fournie. iTunes Canada ne propose toutefois qu'un seul de ses albums: Vatten under broarna. C'est fort regrettable (si je commence à parler des trous dans le catalogue d'iTunes Canada je n'ai pas fini de râler).

C'est toujours mieux que rien car l'album contient plusieurs pépites dont les magnifiques Dom tomma stegen, Elegi ou Se dig om. Pour les autres albums il faut magasiner en Europe.

Nombre d'excellentes chansons figurent sur d'autres disques, comme Timglas (l'amour donne la force d'affronter l'absence de sens de l'existence), Tidvis (la séparation, réapprendre à vivre seul, endurer le manque et l'absence), Där älvorna dansar (encore un homme seul, qui se saoule un soir de printemps; les fées -älvorna- s'approchent un peu plus avec chaque verre et dansent une folle sarabande; "Tout devint nébuleux et je voyais des fées dans tous les coins", "Les fées dansaient dans le lit là où tu dormais").

On sent une influence irlandaise dans l'endiablée Spöket ou la mélancolique Tidvis.

J'en profite pour lancer un appel public au Hurley's: faites venir Winnerbäck! Il va vous la remplir votre salle au 2e étage! Et comme il ne chante ni en anglais ni en français on échappera à la guerre des langues ;-)

Skål !

dimanche 6 décembre 2009

Retour à la Grande Ombre


Retour à la Grande Ombre, traduit du suédois par Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, éd. Seuil.

Håkan Nesser est un auteur très connu en Suède. Il est l'auteur d'une bonne vingtaine de livres. Plusieurs ont été mis en images pour la télévision suédoise.

J'étais très curieux de découvrir sa série Van Veeteren, qui met en scène un commissaire particulièrement ronchon. L'action de la série se déroule dans une ville imaginaire du nom de Maardam, quelque part en Europe du Nord (la sonorité des mots et le nom de la monnaie -le gulden- font penser aux Pays-Bas).

Retour à la Grande Ombre commence à l'été 1993. Un homme quitte la prison où il a été incarcéré pendant de longues années. Il retourne chez lui. Il est déterminé. Il a besoin d'une arme. De lui nous ignorons tout: son nom, la raison de son séjour en prison, où se trouve sa maison.

Printemps 1994, un corps sans tête, sans pieds, sans mains, est découvert dans une forêt. Il a séjourné là plusieurs mois. L'équipe du commissaire Van Veeteren va être chargée de l'enquête qui s'avère difficile: il n'y a quasiment aucune trace et l'identification de la victime est impossible étant donné son état.

Van Veeteren doit être opéré d'ici peu, il confie donc l'enquête au fidèle Münster, en lui assénant au passage "Mais je serai bien entendu à ta disposition quand tu te seras enlisé" - "Quand", se dit Münster, "pas si."

Le bourru commissaire a secrètement très peur de se faire charcuter. Ses petits enfants (deux jumeaux de trois ans) le rassurent à leur manière:
"On va te faire une piqûre, puis tu dormiras" avait expliqué l'un.

"Les morts, on les met dans la cave" avait complété l'autre.
L'opération se passe très bien; Münster rend fréquemment visite à son chef pour le tenir au courant de l'affaire, mais le commissaire va très vite s'ennuyer dans son lit d'hôpital. Martyriser les infirmières ne lui suffit plus et il retourne rapidement sur le terrain pour "désenliser" l'enquête.

Retour à la Grande Ombre n'est pas un whodunit: il est impossible de deviner qui est l'assassin. Le plaisir de lecture réside tout entier dans la personnalité du commissaire Van Veeteren (détestable, arrogant... la liste de ses défauts est longue) et dans le récit lui-même.

Nesser nous propose une intrigue plutôt bien ficelée, simple mais efficace. Il pimente également l'histoire avec un humour léger, un peu noir, qui contribue à l'ambiance. La fin est très surprenante et laisse voir un autre aspect de Van Veeteren.

J'anticipe avec plaisir la lecture du deuxième titre publié en français: Le mur du silence.

* * *
La série Van Veeteren

La série compte dix titres:

1. Det grovmaskiga nätet, 1993 (prix du meilleur premier roman policier 1993)
2. Borkmanns punkt, 1994 (prix du meilleur roman policier 1994)
3. Återkomsten, 1995 (Retour à la Grande Ombre, 2005)
4. Kvinna med födelsemärke, 1996 (prix du meilleur roman policier 1996)
5. Kommissarien och tystnaden, 1997 (Le mur du silence, 2007)
6. Münsters fall, 1998
7. Carambole, 1999 (Funestes carambolages, 2008)
8. Ewa Morenos fall, 2000
9. Svalan, katten, rosen, döden, 2001
10. Fallet G, 2003

Comme on peut voir, il y a des "trous" dans les traductions.

La série s'arrête avec Fallet G. Håkan Nesser n'abandonne toutefois pas les polars. Il a commencé en 2006 une nouvelle série avec l'inspecteur Gunnar Barbarotti. Il est également l'auteur de plusieurs romans "autonomes" dont le dernier est paru cet automne et était sur les rangs pour le titre de meilleur polar de l'année (Maskarna på Carmine Street).

[Note: les prix "meilleur roman" mentionnés ci-dessus sont ceux de la Svenska Deckarakademin - une sorte d'académie littéraire suédoise composée d'auteurs et de critiques et qui se consacre au genre polar/thriller- une organisation dont il est assez souvent question sur ce blog!]

mercredi 2 décembre 2009

Flickorna i Villette - Les filles de Villette

Les récentes nominations de la Svenska Deckarakademin en 2009 (voir ici) ont attiré mon attention sur Flickorna i Villette, d'Ingrid Hedström, édité par Alfabeta. L'auteure avait en effet reçu le prix du meilleur premier roman en 2008 pour Lärarinnan i Villette (L'enseignante de Villette). Aucun des deux n'est annoncé en langue française pour le moment.

* * *
L'auteure

Ingrid Hedström est journaliste de profession; elle travaille actuellement au sein du quotidien suédois Dagens Nyheter et est spécialiste des affaires européennes.

Dans le cadre de son métier elle a vécu à Bruxelles (plus précisément à Uccle, dans l'agglomération de la capitale) entre 1992 et 1997.

Dans cet article du DN, elle révèle avec humour que c'est la politesse des Belges qui l'a le plus marquée. Après son retour en Suède, ne plus se faire appeler "madame" lui a d'ailleurs beaucoup manqué:
"Ce qu'il y avait de pire en revenant en Suède après cinq ans passés à Bruxelles, c'était qu'on ne m'appelait plus 'madame'. En tant que madame je me sentais comme une personne importante et intéressante. En Suède je suis devenue une banale femme entre deux âges parmi d'autres." (1)
Son séjour en Belgique, son intérêt pour la construction européenne et pour son pays d'accueil, mais aussi les scandales politiques et affaires criminelles de l'époque (2) l'ont incité à situer l'action de ses polars dans une petite ville belge imaginaire, Villette-sur-Meuse.

Cette ville est sensée se situer en Wallonie, quelque part entre Namur et Dinant. Une partie de l'action du roman se déroule également à Bruxelles.

* * *
Les personnages

L'héroïne est francophone et se nomme Martine Poirot. Un nom lourd à porter pour un limier belge! "Madame Poirot" est juge d'instruction au palais de justice de Villette. Trois adolescentes sont assassinées durant les festivités de la Saint-Jean et "Titine" est chargée du dossier (voir plus bas: "L'intrigue").

Le lien avec la Suède est ténu: l'époux de Madame Poirot, Thomas Héger, est certes Suédois par sa mère mais il vit et exerce sa profession de professeur d'histoire médiévale en Belgique.

Les personnages féminins occupent le premier plan. Outre la juge d'instruction on trouve dans le roman une ancienne actrice qui réalise désormais des documentaires (la belle-soeur, Sophie Lind), une jeune femme qui a la ferme intention de se lancer dans la mode et réaliser ses propres vêtements (la nièce, Tatia Poirot - Tatia est un diminutif de Catherine), une femme flic que l'enquête va contraindre à affronter de mauvais souvenirs de jeunesse (Annick Dardenne), une jeune greffière qui se croyait bien intégrée dans la petite société de Villette mais qui verra se ranimer le racisme anti-tsigane lorsque son cousin sera -temporairement- soupçonné de meurtre (Julie Wastia).

À ces personnages du temps présent s'ajoutent deux femmes qui ne sont plus: Renée (mère de Martine et Philippe) et sa meilleure amie Simone Janssens. Toutes deux ont été internées dans un camp pendant la guerre, suite à une dénonciation. Renée est revenue, Simone non.

Une simple présentation des principaux personnages permet de voir que la famille est un élément très important du roman. Soit parce que les relations entre les uns et les autres sont parfois houleuses, soit parce que des événements concernant les parents ou grands parents ont des conséquences encore dans le présent (l'action se déroule durant le mois de juin 1994).

J'ai été quelque peu déçu par Martine Poirot. Peut-être à cause de l'ombre de l'immense Hercule... je l'ai trouvée quelque peu froide, pas particulièrement vivante, pas assez charnelle.

Plus intéressantes sont Tatia (la jeune "gothique" passionnée de mode, indépendante et rebelle mais qui aimerait bien que ses parents divorcés cessent de se faire la gueule) ou Sophie Lind, femme forte s'il en est, qui a toujours aimé les hommes (et a été aimée en retour) mais sans jamais se soumettre à quiconque.

J'ai également apprécié les recherches dans le passé (qui sont surtout le fait de Philippe, le frère de Madame Poirot), qui permettent -même sommairement- de rappeler le sort de la Belgique durant la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement rexiste et Léon Degrelle, l'occupation nazie et la collaboration, l'épuration d'après-guerre.

* * *
L'intrigue

C'est hélas le point faible du roman. Bien que certains personnages soient intéressants et qu'il y ait quelques bonnes idées, l'intrigue est trop linéaire et il est bien trop facile de deviner l'identité du meurtrier.

Petit résumé du début: nous sommes en juin 1994. La municipalité de Villette a invité de nombreux journalistes européens dans le cadre des traditionnelles festivités de la St-Jean. L'équipe du maire a en effet décidé de placer Villette dans la course pour le titre de "capitale culturelle européenne". Mais tard dans la nuit, alors que la ville fait encore la fête, trois jeunes filles sont assassinées sur une petite route alors qu'elles rentraient à pied à la maison. Les manchettes des journaux vont être bien différentes de ce qu'espéraient les édiles municipaux: Villette risque de devenir la capitale européenne du crime, surtout après qu'un des policiers chargés de l'enquête découvre une étrange similitude avec une scène de crime datant de 1982...

Pour ma part j'aurais bien aimé découvrir les débuts de Sophie Lind au cinéma, son mariage avec Eskil Lind (le réalisateur suédois qui a lancé sa carrière) puis son divorce, son parcours d'artiste; ou encore suivre la vie sentimentale mouvementée de Philippe, sa sortie du placard, les quelques années passées loin de sa fille, son rapprochement avec celle-ci, etc. Même Julie Wastia mériterait un développement, avec cette grand-mère maternelle (Marie) qui tenait un petit stand sur un marché de Villette et tirait les cartes à certaines clientes; son oncle Bruno qui vit très bien du trafic de voitures "d'occasion" et qui a acquis une vision très cynique de la société dans laquelle il vit; son cousin (Jean-Pierre) qui s'est engagé dans l'armée, a vécu -sous le drapeau de l'ONU- le drame du Rwanda et en a retenu un profond sentiment de honte et d'impuissance (3).

* * *
Un avenir en français ?

Flickorna i Villette est-il un roman suédois?

C'est un roman écrit par une Suédoise, mais dont l'action se passe exclusivement en Belgique. Les thèmes abordés, bien qu'intéressants, n'ont rien de spécifiquement scandinaves, les héros non plus. La preuve: Martine Poirot n'est pas alcoolique, pas dépressive, elle n'est pas malheureuse en amour et sa famille n'est pas en miettes!

Plaisanterie mise à part, une traduction en français poserait un petit problème de marketing à l'éditeur: un polar suédois... en Belgique?

Peut-être faut-il simplement y voir un polar européen, écrit par une auteure qui visiblement se passionne pour l'Europe et s'intéresse aux cultures francophones (Roger Martin du Gard par exemple y est à l'honneur, si on peut dire: son œuvre maîtresse est en effet particulièrement prisée... par l'assassin).

Si seulement l'intrigue était plus solide et moins prévisible...


---NOTES---
(1) Det sämsta med att komma hem till Sverige efter fem år i Bryssel var att ingen längre kallade mig "madame". Som madame kände jag mig som en viktig och intressant person. I Sverige blev jag bara ännu en grå medelålders kvinna.

(2) L'affaire Dutroux s'est déroulée alors qu'Ingrid Hedström vivait encore en Belgique.

(3) L'auteure trace en quelques lignes une scène -j'ignore si elle est authentique- dans laquelle des soldats belges de retour au pays jettent de dépit leurs bérets bleus au sol.


[Participe au challenge Lire en VO]


samedi 28 novembre 2009

Prix : les meilleurs romans policiers 2009 en Suède

La Svenska deckarakademin a distingué trois romans policiers pour 2009 (voir la liste des nominations dans ce précédent billet).


Tre sekunder (Trois secondes) d'Anders Roslund & Börge Hellström aux éditions Piratförlaget emporte le titre du meilleur polar suédois de l'année. C'est le cinquième roman du duo Roslund/Hellström.

Trois secondes, c'est le temps qu'il faut pour mourir. Il s'agit d'un thriller haletant (dixit les critiques), l'histoire d'un ancien petit voyou retourné par la police et infiltré dans la mafia. L'agent double grimpe les échelons mais les événements dérapent et il se retrouve dans une prison de haute sécurité, à la merci de ses codétenus.

Les lecteurs francophones peuvent déjà lire le premier polar de Roslund et Hellström, traduit par Lucile Claus et Maximilien Stadler aux Presses de la Cité: La bête.




Le prix "Martin Beck" du meilleur polar traduit en suédois en 2009 a été attribué à Andrew Taylor pour Det blödande hjärtat ("Bleeding Heart Square"). La traduction suédoise est éditée par Forum. Mise à jour: je l'ai lu en VO dans l'édition Penguin (voir billet).







Enfin, un prix du meilleur premier roman policier a été décerné cette année. Il récompense Det som ska sonas (Ce qui doit être expié) d'Olle Lönnaeus, édité chez Damm Förlag.

Olle Lönnaeus est journaliste au Sydsvenskan. Il était en déplacement à Londres ce week-end lorsqu'il a appris la nouvelle grâce au coup de fil d'un membre de la Deckarakademi.

Son roman se déroule en Scanie, dans le sud de la Suède, à Tomelilla (un peu au nord d'Ystad, ville du célèbre commissaire Kurt Wallander). Un journaliste à la dérive -Konrad Jonsson- apprend le meurtre de ses parents adoptifs. Ce sera l'occasion pour lui de retourner en Scanie, se plonger dans les mystères de son enfance, s'interroger sur la disparition de sa mère (Agnes, originaire de Pologne) lorsqu'il avait sept ans, cette mère dont il était interdit de parler à la maison. Il découvrira de vieux secrets protégés par un épais mur de silence.

Je sens qu'il va se retrouver dans ma liste d'achats prévue pour le printemps... Mise à jour: je n'ai pas attendu le printemps: voir le billet de lecture.


Sources : Dagens Nyheter, Blekinge Läns Tidning.
Source photos : Bokia.

mercredi 25 novembre 2009

Le Nord en photos

Soie (dit en passant) consacre un petit blog a ses photos de vacances en Norvège et Suède.

Autour de Soie - Photos amateur

De belles images, qui accompagnent très bien la lecture d'un polar scandinave (de telles photos sont parfaites pour agrémenter la lecture du Thomas Kanger par exemple). Nostalgie assurée pour ceux qui connaissent un peu la Scandinavie.

Voir aussi son billet Bleu scandinave.

On peut cliquer sur les images pour les agrandir.

Bravo et merci pour le dépaysement!

dimanche 22 novembre 2009

La princesse du Burundi: pêche en eaux troubles

La princesse du Burundi de Kjell Eriksson, Éd. Gaïa, traduction Philippe Bouquet. C'est le troisième roman mettant en scène Ann Lindell. Les deux premiers sont également publiés chez Gaïa et s'intitulent La terre peut bien se fissurer et Cercueil de pierre.

Si vous aimez vos polars aussi noirs que votre café matinal, voilà un roman qui devrait retenir votre attention.

* * *

Peu de temps avant Noël, le corps de John Jonsson alias Petit-John est retrouvé dans une décharge à neige au sein d'une zone industrielle de la ville d'Uppsala.

Issu d'une famille de travailleurs (son père était couvreur) John était connu pour son passé de petit délinquant mais s'était rangé des voitures depuis plusieurs années et vivait avec sa femme Berit et leur fils adolescent Justus. Il avait travaillé comme soudeur (le meilleur selon ses anciens collègues) mais était depuis quelques mois au chômage.

Il avait même acquis une réputation dans le milieu des aquariophiles. Petit-John avait installé chez lui un grand aquarium où il élevait des poissons importés d'Afrique, dont des Princesses du Burundi.

Qui a pu vouloir le torturer et l'assassiner? Et surtout pourquoi? Pour le voler? Il vivait sur la corde raide et consacrait tout ce qu'il pouvait gagner à sa famille et à son bel aquarium. Pour se venger? Calme et réservé, il n'était pas du genre à susciter la haine.

Les enquêteurs vont avoir fort à faire pour démêler l'intrigue. Lennart, le frère de la victime, a bien l'intention de retrouver l'assassin avant eux.
«La famille Jonsson était de celles qui avaient peuplé ce quartier et elle avait eu plus que son lot de malheurs. Trois d'entre ses membres avaient trouvé la mort. La fille, le père, et maintenant le fils. Un accident, un suicide supposé et un meurtre. Comme si toutes les formes de mort violente de cette rue et du quartier s'étaient acharnées sur cette famille.»
* * *

Le cadre

Uppsala est une ville universitaire (l'université a été fondée en 1477 et est la plus ancienne de Scandinavie) située à environ 70 km au nord de Stockholm. La ville a été fréquentée par plusieurs célébrités dont Carl von Linné. Le jardin botanique de Linné a été reconstitué et est amoureusement entretenu.

Nombreuses photos de la ville sur le site Uppsalafoto. Pour vous aider dans les catégories: vinter = hiver, höst = automne, sommar = été, vår = printemps. Gamla Uppsala = le vieil Uppsala.

Kjell Eriksson entraîne ses lecteurs bien loin de ces jolies images. Pas de magie de Noël dans ce roman. La neige recouvre parfois bien des couches de crasse.
«Pour l'instant il se sentait parfaitement sobre, affûté comme jamais auparavant, et observait son quartier en train de se couvrir d'un linceul blanc. En entendant crisser ses pas, il aurait voulu dévorer non seulement ce bruit mais encore la ville entière, tout ce fichu bazar, faire place nette.»
* * *

Les humains

Je n'ai pas lu les deux premiers romans de la série, mais cela ne m'a nullement posé problème pour comprendre les relations entre les policiers qui enquêtent sur l'affaire.

Ann Lindell est un peu à l'écart pour cause de congé maternité et est remplacée à la tête de l'équipe par un collègue qu'elle connaît bien et apprécie, Ola Haver. Elle s'ennuie toutefois dans son rôle de mère célibataire et ne peut s'empêcher de s'immiscer dans l'enquête. Étrangement, Haver ne s'en offusque pas (il est plutôt du genre bonne pâte).

L'univers d'Eriksson se veut réaliste. Il met particulièrement l'accent sur les difficultés de communication des êtres humains. Plus étroit le lien, plus difficile semble la communication. Cela vaut aussi bien pour les policiers (Ola a de sérieux problèmes de couple; Ann n'a tout simplement plus de vie de couple et s'intéresse plus à son boulot qu'à son bébé de neuf mois) que pour les proches de la victime. Lennart, le frère aîné délinquant et alcoolique, traverse le roman sans parvenir à se rapprocher de sa belle-sœur; celle-ci a de son côté bien des difficultés à communiquer avec son propre fils, Justus.

Se parler sans se comprendre. Proches mais solitaires. Eriksson élargit ce constat à l'ensemble de la société moderne, où règnent l'argent et le chacun-pour-soi.

Les réunions quotidiennes du groupe d'enquêteurs donnent parfois lieu à des épanchements amers. Le rôle de la police dans la société ou des détails plus prosaïques comme les coupures dans les budgets sont discutés à certaines occasions. Comme chez Arne Dahl, il se dégage une certaine nostalgie pour un passé disparu à jamais.
«Je commence à avoir de plus en plus de doutes sur le choix que j'ai opéré. Je ferais peut-être mieux de devenir entraîneur de boxe ou quelque chose comme ça.»
En toile de fond nous avons Uppsala et les fiévreux préparatifs de Noël. Le contraste est d'autant plus saisissant.

Une histoire amère.

Addenda: SériaLecteur (bon pseudo!) a repéré un détail -qui ne pouvait que m'échapper- à propos des Princesses du Burundi. Certains se mangent et d'autres sont jolis, voilà à peu près toutes mes connaissances en matière de poiscaille.

* * *

L'auteur

Jardinier et auteur, Kjell Eriksson vit à Uppsala.

La série policière "Ann Lindell" compte dix titres. Trois ont été traduits:

Den upplysta stigen, 1999 (prix du meilleur premier polar 1999, Svenska Deckarakademin)
Jorden må rämna, 2000 (La terre peut bien se fissurer)
Stenkistan, 2001 (Cercueil de pierre)
Prinsessan av Burundi, 2002 (La princesse du Burundi)
Nattskärran, 2003
Nattens grymma stjärnor, 2004
Mannen från bergen, 2005
Den hand som skälver, 2007
Svarta lögner, rött blod, 2008
Öppen Grav, 2009

Eriksson a décidé de mettre un terme à la série cette année, avec Öppen Grav. Ann Lindell a vieilli, lui aussi. "Notre histoire est terminée. Après dix ans et nombre de romans policiers. Pourtant je suis curieux et me demande où elle va." Il la regarde traverser la voie ferrée et partir, peut-être vers le commissariat de police...

"Notre ville. Uppsala. Crise économique, chômage, ségrégation, les jeunes de Stenhagen et Gottsunda qui mettent le feu aux voitures et lancent des pierres sur les policiers, écoles et centres de soins privatisés."

Les Suédois disent donc bye bye et adjö à Ann Lindell cette année, mais les lecteurs francophones devraient avoir quelques années de lecture en sa compagnie, si Gaïa poursuit les traductions!

mercredi 18 novembre 2009

Kof kof kof

Novembre. L'arrivée de l'hiver. Chouette.

En ces temps de bronchite, rhume, et bien évidemment grippe, voici une petite recette bien utile avant le coucher (mais ça marche aussi le matin). Ajoutez à votre thé ou tisane habituelle le jus d'un citron et un peu de gingembre frais haché finement ou écrasé. Allez-y doucement sur le gingembre la première fois, quitte à en rajouter un peu ensuite.

Ça ne remplace pas les pilules mais ça requinque.

mercredi 11 novembre 2009

Olycksfågeln - L'Oiseau de mauvais augure

Olycksfågeln, Éd. Forum, 2006 - à paraître en français chez Actes Sud. Si l'éditeur maintient le même rythme que pour les trois premiers titres la version française devrait être disponible d'ici mai ou juin 2010.

Mise à jour avril 2010: eh bien mon petit calcul s'avère exact puisque le bouquin est annoncé pour le 5 mai en France, soit probablement début juin au Québec. Le titre sera L'Oiseau de mauvais augure.

* * *

Le quatrième roman de Camilla Läckberg, Olycksfågeln, commence par un accident de la route qui coûte la vie à Marit Kaspersen, une commerçante de la localité... mais est-ce bien un accident? Cette question va occuper les policiers du commissariat de Tanumshede (1) au début du bouquin.

Contrairement aux précédents romans de la série, l'enquête démarre lentement. Ce n'est pas très grave car il se passe malgré tout bien des choses et de nombreux personnages doivent être présentés.

L'accident initial tout d'abord, qui a des conséquences sur les proches de Marit Kaspersen: sa compagne Kerstin avec laquelle Marit vivait "dans le placard" depuis quelques années; son ex-mari Ola qui n'a pas toujours bien accepté son nouveau mode de vie; et Sofie, la fille qu'elle a eue avec ce dernier.

L'histoire débute également avec l'arrivée d'une nouvelle recrue au commissariat. Hanna Kruse se joint aux enquêteurs et plonge tout de suite dans l'action. Ambitieuse, elle compte bien saisir l'occasion pour mériter sa place au sein du groupe.

Pendant ce temps une émission de "télé-réalité" -sorte de Loft Story alcoolisé- installe ses caméras dans une maison à Tanumshede. Six jeunes vont y vivre et se mêler à la petite communauté, sous les yeux avides des caméras. Aux commandes de Fucking Tanum (c'est le nom de l'émission) se trouve un producteur cynique, Fredrik Rehn, qui a un allié dans la place en la personne du kommunalråd (une sorte de maire, élu par le conseil municipal), Erling W Larson. Ces deux personnages sont assez caricaturaux (Erling ressemble à l'antipathique maire des Dents de la Mer, ça ne nous rajeunit pas).

Les six jeunes avides de célébrité sont, eux, plus intéressants. Il y a Uffe, l'abruti musclé qui cache son insécurité sous une épaisse couche de fanfaronnades; Lillemor, la fausse blonde qui préfère qu'on l'appelle Barbie et qui mise beaucoup sur son physique pour avancer dans la vie; Jonna, qui souffre d'avoir deux parents indifférents et se taillade régulièrement les avant-bras pour exorciser son mal-être; Mehmet, qui a conscience d'avoir déçu ses parents et cherche son propre chemin; Calle, le fils à papa qui passe le plus clair de son temps à claquer l'argent du paternel dans les bars branchés de Stockholm; Tina, qui voit dans l'émission un tremplin vers son rêve de toujours, devenir chanteuse.

Enfin il y a les joies et les peines de la petite famille que nous connaissons bien désormais: le policier Patrik Hedström et sa compagne Erica Falck, leur fille Maja qui ne parle pas encore mais sait très bien se déplacer à quatre pattes. À ce trio s'ajoutent Anna et ses deux enfants, Adrian et Emma. La raison de la présence d'Anna se trouve dans le roman précédent, le Tailleur de pierre.

La maisonnée est saisie d'une agitation frénétique, mais je vous laisse découvrir pourquoi.

La foudre va soudain tomber sur la "pas-si-paisible" localité: l'éboueur de Tanumshede (2) découvre un corps dans un container à ordures.

Les révélations -et les cadavres- vont dès lors se succéder.

* * *

Le quatrième roman de Camilla Läckberg a les qualités et les défauts des précédents.

Parmi les défauts je range quelques invraisemblances. J'ai ainsi beaucoup de mal à croire qu'une promenade au bord de la mer suffise pour mettre fin à six mois de dépression. Par ailleurs, bien que ne connaissant pas le niveau de professionnalisme des policiers suédois, je trouve surprenant qu'ils puissent parfois laisser échapper d'importants indices, laissant le soin à Patrik Hedström de les découvrir.

Ces menus défauts n'empêcheront pas le lecteur de se plonger avec plaisir dans l'intrigue. On peut s'amuser à essayer de deviner l'identité du tueur, ou du moins ses motivations. À certains moments vous vous surprendrez à vouloir souffler des idées à Patrik.

La fin réserve une petite surprise qui sera explorée -et sans doute éclaircie- dans le cinquième volume, Tyskungen.


À propos du titre. Le mot olycksfågel désigne un "porte-poisse" (3). Pensez au personnage de Pierre Richard dans le film La chèvre si vous voulez un exemple quelque peu extrême. Un olycksfågel provoque toute sorte de désastres, petits ou grands. Celui du roman apparaît dans quelques courtes scènes. Qui est-il? Pourquoi est-il surnommé ainsi? Comment est-il lié à l'intrigue? C'est un des mystères de ce roman, aussi divertissant que les précédents.


---NOTES---
(1) Tanumshede et Fjällbacka sont deux petites localités appartenant à la même commune, voir Meurtres sur la côte ouest.

(2) L'éboueur, Leif, est un cas très particulier. Contrairement aux autres personnages du roman il existe vraiment.


(3) "Oiseau de malheur" conviendrait bien, je pense. Actes Sud a opté pour "Oiseau de mauvais augure".

[Participe au challenge Lire en VO]


mercredi 4 novembre 2009

Nominations suédoises - cuvée 2009

La Svenska Deckarakademin a dévoilé la liste des nominations 2009 (cliquez sur les titres pour avoir plus d'informations sur les sites des auteurs ou des éditeurs).

* * *

Sont en compétition pour le prix du meilleur roman policier suédois 2009 (l'éditeur figure entre parenthèses)

Ingrid Hedström: Flickorna i Villette (Alfabeta) voir ici pour le billet de lecture

Tove Klackenberg: Dömd på förhand (Alfabeta)

Håkan Nesser: Maskarna på Carmine Street (Albert Bonniers förlag)

Anders Roslund & Börge Hellström: Tre sekunder (Piratförlaget)

Veronica von Schenck: Kretsen (Ordfront)

Le site de l'Académie rappelle que Håkan Nesser a déjà remporté trois fois ce prix (en 1994, 1996 et 2007), sans oublier son "debutpris" (qui récompense le meilleur premier roman) en 1993.

Quelques romans de Nesser ont été traduit en français chez Seuil : Retour à la Grande Ombre, Le mur du silence, Funestes carambolages.

Roslund & Hellström sont les auteurs de La bête, traduit en français aux Presses de la Cité.

* * *

Sont en compétition pour le prix "Martin Beck" (meilleur roman policier traduit en suédois - le titre original est en vert)

Gianrico Carofiglio: På sannolika skäl (”Testimone inconsapevole”)

Guillermo Martínez: Lucianas långsamma död (”La muerte lenta de Luciana B”)

Deon Meyer: Jägarens hjärta (”Heart of the Hunter”)

Denise Mina: I midnattens stillhet (”Still midnight”)

Andrew Taylor:Det blödande hjärtat (”Bleeding Heart Square”, voir le billet de lecture)


La Svenska Deckarakademin fera a fait connaître ses choix le 28 novembre.

* * *

PS: on me souffle à l'oreille qu'il y aurait eu également des prix littéraires décernés en France. Le bon court, le dos de Renaud, le prix Borgia... des choses comme ça. Je n'ai pas bien saisi il y avait de la friture sur la ligne.

Bon, je plaisante un peu ;-) Félicitations à Dany Laferrière.

lundi 2 novembre 2009

Le Tailleur de pierre : des âmes brisées

L'histoire du Tailleur de pierre commence par une découverte macabre: un pêcheur de homards trouve le corps d'une fillette, Sara. Elle est morte noyée mais le médecin légiste réalise très vite que les poumons contiennent de l'eau douce, et non pas de l'eau de mer.

Fjällbacka est une toute petite ville et Erica connaît la famille de la victime. Charlotte, la mère de la jeune victime, est une amie. Erica aura ainsi l'occasion de donner un petit coup de main à son policier d'époux.

Läckberg explore ici un thème que l'on retrouvait déjà dans les deux premiers romans: le mal a des racines profondes, et il est contagieux. Le lecteur aura donc l'occasion de découvrir, en pointillés, des événements vieux de plusieurs décennies.

* * *

Ce troisième roman de Camilla Läckberg plaira beaucoup à ceux qui ont apprécié les deux premiers. On retrouve en effet dans Le Tailleur de pierre tout ce qui fait le charme de son petit univers.

À commencer par le couple Patrik Hedström & Erica Falck, auquel s'ajoute désormais Maja (1). Le bout de chou ne parle pas encore -sa principale activité consiste à s'alimenter- mais elle pleure et "chougne" souvent, ce qui épuise l'heureuse maman qui avait une autre vision du métier de mère! Dédaigneuse des conseils de son envahissante belle-mère Erica trouvera dans un livre (2) le truc pour habituer le petit monstre à dormir dans son landau et non plus uniquement dans les bras de sa maman...

Le commissariat de Tanumshede est très présent dans ce roman aussi, mais comme il s'agit d'un Läckberg il sera souvent question des relations (parfois bonnes, parfois mauvaises) entre Patrik, Martin, Ernst, Gösta, sans oublier le suffisant commissaire Mellberg et la perspicace secrétaire Annika.

Ce troisième roman de la série contient son lot de surprises et de coups de théâtre. La vie de plusieurs personnages récurrents va connaître d'importants changements. Pour ne pas tuer le suspense (un meurtre suffit!) je ne donnerais qu'un exemple: le jeune enquêteur, Martin, emménage avec sa dulcinée dès le début du roman. On s'y attendait à la fin du Prédicateur mais maintenant ça devient sérieux.

* * *

Ce que j'ai moins aimé: certains coups de théâtre sont justement... un peu trop théâtraux.

Ce que j'ai aimé:

Le travail sur les personnages. C'est LE point fort de Camilla Läckberg. Visiblement curieuse de la nature humaine, elle pétrit ses personnages, les façonne, leur donne du relief... quitte à les trucider sans pitié dans le court du récit. Malgré la présence de quelques clichés ici ou là (par exemple la belle-mère, perpétuelle donneuse de leçons) on prend plaisir à explorer cette galerie de portraits. L'auteure nous fait entrer dans la tête des protagonistes, y compris bien sûr dans celle du tueur.

Une belle idée: dans le Tailleur de pierre un des personnages, Morgan, souffre du syndrome d'Asperger. Pour plus d'information on pourra se référer aux associations qui ont un site Internet, comme Autisme Montréal.

Une connaissance préalable de ce syndrome n'est absolument pas nécessaire pour suivre l'histoire: Läckberg prend prétexte de l'ignorance des enquêteurs pour donner les informations "de base" nécessaires à ses lecteurs (elle envoie le brave Martin s'informer auprès d'une psychologue, ce qui s'avère bien utile).

L'intrigue. Elle est suffisamment complexe pour entretenir l'intérêt du lecteur tout au long des 475 pages du roman. Plusieurs récits s'entrecroisent (dont celui concernant le fameux tailleur de pierre) et ce n'est qu'en approchant de la fin du roman qu'ils se rejoignent et que les mystères se résolvent.

Les petites choses qui sentent bon la Suède. Par exemple lorsque Patrik, pris d'une petite faim, sort du frigo un tube de kaviar, du fromage, et se fait des tartines. Ah, le kaviar! Ça mérite un billet, tiens.

Puisqu'on parle de bouffe... je note que c'en est fini des gueuletons que Patrik et Erica se préparaient dans la Princesse des glaces. Ils ont atteint ce stade où ils n'ont plus besoin de s'éblouir mutuellement avec des recettes audacieuses. Le tube de kaviar a désormais sa place dans la cuisine des tourtereaux!

Petit conseil à ceux qui ne connaissent pas encore les romans de Camilla Läckberg: il vaut mieux lire au moins Le prédicateur avant de se plonger dans Le tailleur de pierre. Ce n'est pas absolument indispensable mais cela permet de mieux comprendre ce qui se passe entre Anna et Lucas ou la raison des tensions entre Patrik et Ernst, etc.


---NOTES---
(1) se prononce "Maya".

(2) Le livre existe: il s'agit de Barnaboken par Anna Wahlgren.

Le kaviar : trésor culinaire suédois

(photo Lars Dareberg, Sydsvenskan)

Nous apprenons dans le Tailleur de pierre que Patrik Hedström, policier à Tanumshede, aime bien se faire des tartines de kaviar.

Non, le salaire des policiers suédois ne leur permet pas de se gaver d'œufs de béluga! Le mot kaviar désigne le plus souvent une pâte à base d'œufs de morue - elle se présente en tubes et ne coûte pas très cher.

Lorsqu'un Français entre pour la première fois dans une "épicerie" québécoise il remarque tout de suite le mur de fromages cheddar: en blocs de diverses tailles ou sous forme de pâte à tartiner, le cheddar est partout. Exotisme garanti.

Un visiteur en Suède sera plutôt intrigué par les produits à base de poissons (surtout du hareng) séché ou mariné dans des sauces très variées, et par le fameux kaviar.

Le kaviar appelle la tranche de pain comme la sirène appelle le marin! L'absence de pain n'arrêtera toutefois pas le vrai fan de kaviar qui n'hésitera pas à téter le tube pour assouvir sa passion...

Ah! Si seulement nos libraires offraient un tube de kaviar gratuit pour tout polar suédois acheté. Ça stimulerait les ventes, je vous le garantis.

* * *

Addenda: Soie mentionne en commentaire une spécialité sucrée, les kanelbullar (brioches à la cannelle). Sweden.se leur consacre une petite page, recette à l'appui. Le site propose tout un choix de plats typiques, dont la délicieuse "tentation de Jansson".

vendredi 30 octobre 2009

Lost (symbol) in Translation

La dernière brique de Dan Brown, The Lost Symbol, compte 509 pages.

Devinette: combien de temps a-t-il fallu pour traduire cet ouvrage en suédois?

Je vous laisse réfléchir... sortez vos calculettes... je divise 509 par x pages/jour...

Vous pouvez maintenant comparer votre réponse à celle de l'éditeur suédois: sept jours. Pas un de plus.

Jonas Axelsson, responsable chez Albert Bonniers Förlag, explique au magazine Svensk Bokhandel les raisons d'un si court délai (les infos de ce billet proviennent pour l'essentiel de ce très intéressant article). Les agents des "gros" auteurs anglophones, comme Dan Brown ou J.K. Rowling, bien souvent n'acceptent de communiquer le manuscrit aux éditeurs suédois qu'au moment de la sortie sur le marché des éditions britannique et américaine.

La traduction suédoise (c'est vrai aussi dans d'autres pays européens) sort des presses plusieurs semaines après les éditions en anglais.

Résultat: des ventes en moins pour les éditeurs suédois, allemands, néerlandais, etc. De nombreux lecteurs préfèrent en effet acheter l'édition britannique immédiatement plutôt qu'attendre deux ou trois mois la traduction "locale". Les amateurs francophones du célèbre Harry Potter connaissaient bien ce dilemme...

L'éditeur Norstedt avait en son temps décidé d'engager deux traducteurs pour le septième volume de la série Harry Potter afin d'accélérer la traduction et limiter les dégâts.

Albert Bonniers Förlag est allé bien plus loin. L'objectif était d'offrir la traduction suédoise 25 jours après la parution des éditions anglaises (sans compter les jours de repos).

Ces 25 jours de travail devaient se répartir ainsi: 7 jours pour la traduction, 7 jours pour le travail de correction, relecture, mise en page, le reste pour l'impression et la distribution à travers le pays.

Pour traduire 509 pages en 7 jours, deux traducteurs ne suffisent pas. Qu'à cela ne tienne, AB Förlag a fait appel à toute une équipe de traducteurs (six ou sept, selon que l'on se base sur l'article de SvB ou sur la liste des traducteurs fournie par le site de l'éditeur) : Ola Klingberg (qui réside à New York et a communiqué à l'éditeur suédois une traduction des premières pages du roman dès la sortie de l'édition américaine), Tove Janson Borglund, Gösta Svenn, Helena Sjöstrand, Leo Andersson, Lennart Olofsson, Peter Samuelsson. Ouf!

J'ai peine à imaginer les efforts qu'il a fallu fournir pour coordonner un tel orchestre et produire un résultat harmonieux et cohérent... Selon l'article de SvB, des directives avaient été transmises à tous les traducteurs avant même l'arrivée du manuscrit; de plus le groupe de travail communiquait quotidiennement par courriels afin d'assurer un échange d'informations permanent durant les sept journées fatidiques. La présence d'un spécialiste de l'Antiquité parmi l'équipe de traducteurs a également beaucoup aidé, selon l'éditeur.

Les délais ont été tenus, Den förlorade symbolen est sorti le 21 octobre, comme prévu. Le but d'AB Förlag était de convaincre le lecteur de ne pas céder à la tentation et de patienter un mois pour pouvoir lire les nouvelles aventures du Professeur Langdon "på svenska". Au vu du nombre d'exemplaires pré-commandés (290.000) l'éditeur semble avoir gagné son pari. Quelques petites imperfections sont encore présentes dans le texte final mais elles sont tout à fait mineures et seront corrigées dans une prochaine édition, promet AB Förlag.

Le lecteur impatient y gagne, les traducteurs je ne sais pas...

* * *

Mise à jour: SvB rapporte que les ventes de l'édition anglaise de Dan Brown -avant la sortie de la traduction suédoise- ont été de 5.000 à 10.000 copies seulement. C'est un bon résultat si on compare avec les Harry Potter in English dont les ventes ont parfois dépassé les 100.000 copies avant la mise sur le marché de la version suédoise.

lundi 26 octobre 2009

Qui sème le sang : A versus K

Le deuxième roman des aventures du Groupe A est plus sombre et violent que le premier comme le titre le laisse aisément deviner: Qui sème le sang (Seuil, traduction Rémi Cassaigne).

C'est que Jan-Olov Hultin et ses six enquêteurs se trouvent confrontés à un visiteur fort indésirable: ils apprennent par le FBI qu'un tueur en série -le "Tueur du Kentucky"- aurait embarqué à New York dans un avion à destination de Stockholm après avoir torturé et assassiné un passager Suédois (qui exerçait le beau métier de critique littéraire - je soupçonne l'auteur d'y avoir pris un malin plaisir).

L'information est-elle exacte? Peut-on intercepter le tueur avant qu'il ne disparaisse dans la nature? Pourquoi serait-il venu en Suède? Qui est-il? Quels sont ses projets, si toutefois il en a?

Le lecteur disposant à peu près des mêmes informations que le Groupe A, il est possible de tenter de deviner certains éléments de l'intrigue et voir si ces hypothèses se confirment ou pas. Vous pourrez ainsi vous exclamer "Haha! j'avais raison"... ou le plus souvent découvrir que vous étiez dans l'erreur.

Comme dans Misterioso c'est le flair des enquêteurs et le travail sur le terrain qui permettront au Groupe A de progresser. L'enquête policière occupe 95% du récit; Arne Dahl étoffe un peu ses personnages dans ce deuxième opus, approfondit l'histoire personnelle de certains d'entre eux, mais c'est l'enquête et ses multiples rebondissements qui sont au premier plan.

Le rythme est soutenu, les pistes s'enchaînent, se croisent, aboutissent parfois dans des culs-de-sac... Le dénouement a de l'ampleur et réserve quelques surprises.

Les scènes de violence ne sont pas très nombreuses mais sont parfois très dures, ce n'est certainement pas une lecture pour les jeunes.
"Désormais la machine était en marche. Tout allait changer - et c'était logique. On ne trie pas ce qu'on importe du maître du monde. Quand on choisit de gober une culture entière les yeux fermés, on tombe tôt ou tard sur sa part d'ombre."
La critique sociale est encore présente dans Qui sème le sang, mais elle dépasse désormais le strict cadre suédois: la possible arrivée d'un tueur en série américain, par exemple, est perçue par certains membres du Groupe A comme une inévitable contamination de "l'Empire américain", ce qui est un point de vue amusant à défaut d'être très original.
"Le monde rétrécit, madame, messieurs. Le monde rétrécit."
L'évolution de la Suède dans les années 80-90 a, il est vrai, fortement marqué les esprits. Il y a eu l'assassinat d'Olof Palme en 1986 qui reste toujours très présent dans l'imaginaire collectif, mais aussi et surtout l'abandon du fameux "modèle suédois", la mondialisation des échanges et de la finance, les ravages de la crise économique, le chômage, la montée du crime organisé... Cela fait beaucoup de changements en peu de temps, d'où peut-être la tentation de trouver une cause bien définie à ces bouleversements. La nostalgie pour une Suède d'antan plus solidaire et plus paisible, désormais hors de portée, l'inquiétude face à un avenir incertain, tout cela transparaît dans le roman (par les voix de Paul Hjelm et Arto Söderstedt principalement).

Qui sème le sang est un polar consistant et saignant. Il plaira surtout aux amateurs d'action. Si par contre vous ne jurez que par les bonnes vieilles "cuppa tea" à l'arsenic... accrochez bien votre ceinture!

[Merci à Mathieu pour le SP]

vendredi 23 octobre 2009

Vague nordique: ça continue

The Guardian en est tout surpris: les Américains, qui sont connus pour bouder les traductions, ont fait une place à Stieg Larsson et Arnaldur Indridason lors du dernier Bouchercon: Nordic writers sweep the board in US crime awards.

Le premier volume, The Girl With the Dragon Tattoo, a récolté l'Anthony Award du Best First Novel.

Le triomphe posthume de Stieg Larsson se poursuit ailleurs dans le monde. Le troisième volume a ainsi battu des records en Espagne, avec 200.000 exemplaires vendus en une journée (le chiffre me semble énorme, mais c'est bien ce qui est indiqué dans cette brève publiée par Dagens Nyheter, voir aussi l'article initial de Svensk Bohhandel). Chacun des volumes de Millenium s'est vendu autour du million d'exemplaires. Ce succès ouvre la route à d'autres auteurs. Les traductions espagnoles de Johan Theorin et Arne Dahl (entre autres) sont en cours.

* * *

Quelques jours après le Bouchercon, sur les bords de la Tamise cette fois, Johan Theorin était accueilli avec les honneurs et se voyait remettre The CWA John Creasey (New Blood) Dagger 2009 pour son premier roman Echoes from the Dead (Skumtimmen, traduction en anglais Marlaine Delargy).

Les jurés ont vu dans L'heure trouble "ett kraftfullt och gripande drama med en enastående upplösning" [un drame fort et émouvant avec un extraordinaire dénouement].


L'auteur, qui vit à Göteborg, a déclaré au Göteborgs Posten qu'il était très, très content, mais se demandait s'il serait autorisé à ramener dans l'avion le trophée... en forme de dague.

Nous apprenons aussi dans cet article que Johan Theorin vient tout juste de terminer son troisième roman, qui devrait sortir en avril en Suède et s'intitulera bien Blodläge (le terme est un peu macabre car on pourrait le traduire littéralement par "site du sang" -c'est du moins ainsi que je le comprends- mais il désigne en fait une strate de calcaire très rouge que l'on peut trouver sur l'île d'Öland).

Pour les lecteurs francophones il faudra sans doute attendre l'hiver 2010-2011.